Les bergers du Mont Saint Michel

Publié le 4 Mai 2008

 


Normandie
Les bergers du Mont Saint Michel
avril 2008

 

 

 

 

 

 

 

Le gros patou blanc allongé benoîtement contre le muret bougea à peine à notre approche. Maculé de boue, il affichait la mine débonnaire du mâle épuisé par ses frasques amoureuses. Mon compagnon alluma sa énième cigarette depuis le matin et entreprit d'extirper le matériel photo du coffre de la voiture. "Dis-donc tu devrais enfiler tes bottes au lieu d'essayer de discuter avec ce chien. Si tu crois qu'il va te raconter ce qu'il a fait cette nuit!" Une lueur lasse passa dans les yeux de l'animal et je crus qu'il allait répondre quelque chose. C'est à ce moment que ses maîtres arrivèrent et que la réalité commença à nous échapper. Deux borders collies descendirent de la vieille voiture rouge, puis un prince incas immense et beau et une fée légère et lumineuse de la forêt de Brocéliande. Une rafale de vent mauvais me fit claquer les cheveux dans les yeux et je dus m'asseoir sur le siège passager pour terminer de mettre mes bottes. Quand le berger passa à ma hauteur, je remarquai qu'il n'était vêtu que d'un pull léger et d'un bermuda qui battait sur ses longues jambes nues. Il était aussi chargé d'un couffin où dormait en enfant rond et blond de quelques semaines à peine. Nous les suivîmes en silence, vaguement intrigués. Le thermomètre affichait sans frémir sept degrés celsius.

Dans la vieille maison de pierres le temps semblait suspendu entre des poutres poussiéreuses, un désordre indescriptible et des couches pour enfant. Un flot de chats tigrés vint se frotter dans nos jambes en poussant des miaulements indignés. Les chiens se bousculaient joyeusement et je constatai que le patou blanc boitait bas. Le prince incas nous tendit deux tasses de café fumant, la fée disparut avec l'enfant. Dans un coin de la pièce, la présence incongrue d'un écran d'ordinateur rappelait que nous étions bien le 30 avril 2008. La fée revint, s'assit dans un vieux canapé défoncé et releva son pull pour offrir un sein blanc à l'enfant qui s'en saisit goulûment. Le berger nous invita à le suivre. Quand nous sortîmes, nous n'avions toujours pas échangé un mot.

Le fond du jardin  s'ouvrait sur l'étendue rase des prés salés d'où émergeait la silhouette tranquille  du Mont. A notre stupéfaction, l'homme se débarrassa de ses sandales dans un coin et s'engagea pieds nus dans la tangue mouvante et glacée de la baie. Son poncho volant dans le vent, il avançait à grandes enjambées vers les moutons qui paissaient au loin sur la ligne d'horizon alors que le ciel se tourmentait en longues lanières de pluie. Lors des pauses du vent, on entendait le bêlement doux des bêtes appelant leurs petits et le jappement des chiens poussant la vague laineuse du troupeau hors des criches.



Normandie
Mont Saint Michel
avril 2008


La fée nous avait rejoints. Elle portait l'enfant étroitement emmitouflé sur son ventre. Nous marchions l'une à côté de l'autre, laissant les deux hommes aller plus loin devant nous. Elle me raconta le bébé, les agneaux qui meurent et qui naissent, les brebis égarées. Sa voix était un chant gracile et doux, le paysage était beau à couper le souffle.

Tous les contes ont une fin n'est-ce pas ? Il fallut bien que celui-ci en eut une. Elle fut heureuse, nul n'en doutera : Le hasard nous offrit un autre chemin pour nous conduire ailleurs, encore plus loin.

 


Rédigé par khassiopée

Publié dans #Les Contes de la Luciole (écrits divers)

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E
Moi aussi, j'ai vu les moutons du Mont Saint-Mich'... Il y a trois jours même! Et j'ai fait une photo, que je t'enverrai ou que je mettrais sur mon blog (+ plein des photos de la Baie, après l'orage ou sous le soleil!)
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F
Y paraitrait que "le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito"
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F
Pour les re-racontages d'histoires, j'en connais un rayon. Y'en a même qui me font toujours autant rire ... et d'autres autant pleurer. On n'est pas obligé de se re-raconter les tristes hein ?
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K
<br /> Non, les tristes on ne se les re-raconte pas, de toute façon j'ai décidé de ne plus en écrire alors tu vois... Bisous ma belle<br /> <br /> <br />
B
et le plaisir de savourer une omelette et un carré d'agneau de pré salé .....<br /> Qu'est ce que tu croyais ? <br /> que l'archange Gabriel m'avait insuflé le Saint Esprit ? <br /> ou que je deviendrais romantique comme l'illustre voisin au large de Saint Malo ?<br /> <br /> bisous salés
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K
<br /> Tu as remarqué aussi le romantisme de l'illustre voisin ?<br /> <br /> <br />
F
ça m'arrive, à l'occasion...
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K
<br /> Je ne parlais pas de penser mais de hasard et de rendez-vous pffff !<br /> <br /> <br />
F
Les contes ont une fin ? Et meeerdeeeee .....
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K
<br /> Oui, mais on peut se les re-raconter tu vois ?<br /> <br /> <br />
F
"ce qui ressemble au hasard / souvent est un rendez-vous"
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K
<br /> Tu penses ma Bibiche ?<br /> <br /> <br />
C
Où est la part du rêve et de la vérité ?<br /> Mais tout est vrai ! Dit la Luciole.<br /> Alors je regarde mieux l'image.<br /> Hé ben oui !
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K
<br /> Bien sûr que tout est vrai Christian, foi de Luciole !<br /> <br /> <br />
B
C'est celà la magie du Mont, et si un jour tu en as le temps et l'envie,laisse toi y enfermer une nuit de grande marée à l'automne pour découvrir le Mont la nuit, débarrassé de ses hordes vociférantes et impies, tu y trouveras la serenité et .......
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K
<br /> Et.... ?<br /> <br /> <br />
P
Moi aussi
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K
<br /> Je vais t'en raconter d'autres alors et sans passé-simple...<br /> <br /> <br />
Y
J'aime comme tu racontes...
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K
<br /> C'est normal, c'est une histoire de fée et de prince<br /> <br /> <br />